La fin du timbre rouge, qui sera remplacé dès le 1er janvier prochain par une “e-lettre”, s’accompagne de son lot d’inquiétudes, alors qu’une partie des Français est encore exclue des opportunités promises par le numérique.
À partir du 1er janvier 2023, les Français ne pourront plus envoyer de courrier avec l’emblématique timbre rouge, qui permettait jusqu’à présent de distribuer une lettre le lendemain de son affranchissement. “La lettre rouge telle qu’elle existe aujourd’hui ne correspond plus aux usages et, en exigeant un transport rapide incluant parfois un trajet en avion, son bilan énergétique est très lourd”, justifiait La Poste en juillet dernier. Sans compter que seulement 5 lettres prioritaires en moyenne étaient envoyées par les ménages français en 2021, contre 45 en 2010.
À la place, le groupe va proposer un “e-lettre rouge”, distribuée dans les mêmes délais au prix de 1,49 euro, que les usagers devront rédiger ou scanner sur le site laposte.fr et qui sera ensuite imprimée et mise en circulation par le bureau de Poste le plus proche du destinataire. Mais la dématérialisation du timbre rouge fait beaucoup réagir et soulève quelques inquiétudes.
Fracture numérique
Si cette numérisation devrait en effet permettre de réduire l’empreinte carbone de l’entreprise, tous les usagers ne seront pas égaux face à cette nouvelle façon de faire en ligne. Cela risque “d’exclure une partie de la population peu à l’aise avec le numérique ou n’y ayant pas accès”, déplore Jean-Philippe Lacout, coordonnateur national de la branche courrier-colis pour Force ouvrière (FO).
Dans son rapport sur la dématérialisation des services publics daté de février, le Défenseur des droits exhortait l’État à veiller à ce que la transformation numérique ne fasse pas l’impasse sur certaines populations particulièrement touchées par l’illectronisme comme les personnes âgées ou les publics déjà peu à l’aise avec les démarches administratives comme les personnes handicapées ou en situation de précarité sociale.
L’autorité soulignait également que 28% des personnes s’estiment peu compétentes ou pas compétentes pour effectuer une démarche administrative en ligne. À ce chiffre s’ajoute celui des 7% des ménages français qui n’ont pas d’accès à Internet chez eux.
Pour répondre à ces enjeux de fracture numérique, La Poste laissera la possibilité pour ceux qui le souhaitent d’envoyer ce nouveau e-courrier depuis un bureau local, sur un automate ou avec l’aide d’un conseiller clientèle. Seul bémol, en dépit des 17 000 points de contact revendiqués sur tout le territoire, le fait de devoir se déplacer au bureau de Poste plutôt que de poster son courrier dans une boîte jaune pourrait représenter un obstacle supplémentaire pour les personnes habitant dans des zones plus reculées.
Respect de la vie privée
Dans ce cas de figure, les employés scanneront les courriers à l’aide d’un téléphone professionnel, le “Smartéo”. Au risque de porter atteinte au secret de la correspondance ? “Les personnels travaillant dans l’entreprise doivent prêter serment à leur entrée en fonction”, a rappelé La Poste à Ouest-France, soulignant que les agents s’engagent ainsi à “respecter scrupuleusement les informations concernant la vie privée dont il aurait connaissance dans l’exécution de son service”.
Tous les e-courriers, quant à eux, seront “rematérialisés”, c’est-à-dire imprimés, dans des espaces sécurisés et restreints aux personnes “dûment habilitées et formées”, précise La Poste. Petit hic là encore : en Isère par exemple, cet espace n’est pas prévu avant le mois de mars, a confié un délégué départemental FO au quotidien régional.
Un intérêt surtout pour les comptes de l'entreprise
Alors que La Poste voit le volume de courrier qui lui est confié diminuer d’année en d’année (-7,3%, chiffres du premier semestre 2022), la “e-lettre rouge” devrait permettre au groupe de faire des économies, mais fait également craindre de nouvelles restructurations aux salariés. “On risque de perdre 40% à 50% de l’effectif des facteurs, soit autour de 20 000, dont des contrats précaires”, estimait encore Jean-Philippe Lacout le mois dernier.
Au final, si la dématérialisation des services publics rime généralement avec simplification, pas sûr que ce soit le cas concernant la fin du timbre rouge. Dans la plupart des cas, il sera tout aussi simple et moins onéreux d'envoyer un e-mail à son correspondant. Dans tous les cas où cela est impossible, il en coûtera plus cher qu'auparavant (1,49 euro contre 1,43), à moins de recourir à la lettre verte, mais qui sera plus lente qu'auparavant : trois jours pour son acheminement, au lieu de deux. Pour aller plus vite sans passer par internet, il faudra recourir à la Lettre Service Plus, un nouveau tarif de lettre suivie à J+2 à partir de 2,95 euros, selon le poids, plus chère et moins rapide que l'ancien timbre rouge.
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